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Grandville (1803-1847)

Biographie

Enfance et formation

Jean Ignace Isidore Gérard est né à Nancy, dans l’est de la France, dans une famille d’artistes et de comédiens. Homme aux identités multiples, il sera toujours appelé Adolphe par les siens, du prénom d'un jeune frère mort deux mois avant sa naissance : « C’est ainsi qu’il entonne ce long duo avec la mort qui naît d’un baptême endeuillé, modulé tout au long de sa vie dans les registres divers des œuvres qu’il crée et des sorts qu’il subit. »

C’est à Nancy qu’il grandit et reçoit ses premières leçons de dessin de son père, musicien amateur mais surtout peintre miniaturiste « pour la tête, la fleur ou le paysage ». La misère règne alors à Nancy et la vie du foyer des Gérard n’y est pas facile : outre le couple et ses quatre enfants, il y vit une aïeule, Marie-Anne, ancienne « comédienne du Roi » dont les récits nostalgiques relatifs aux fastes de la cour de Stanislas fascinent. Le théâtre ne suffisait pas à la subsistance des époux Gérard -les grands-parents paternels de Grandville- qui s’installent Place Royale et exploitent l’un des premiers cafés de Nancy, le café de la Comédie. Hippolyte, le frère d’Adolphe, verse dans la littérature et adopte de pseudonyme de « Gérard Grandville ».

En tant qu'artiste, Adolphe adopte Jean-Jacques comme prénom et reprend également de ses grands-parents le nom de « Grandville ». Il signe donc J.J. Grandville. Il semble suivre les traces de son père et s’attache à dessiner les membres de sa famille, le spectacle de la rue et, progressivement, s’émancipant des principes inculqués, se fait une spécialité de « défigurer avec malice ces physionomies que l’adulte met tout son art à figurer ». Son talent de caricaturiste s’affiche précocement. L’opposition au père entre pour quelque chose dans cette velléité de transgression, mais on peut y voir également le dépassement du simple apprentissage. L’influence de l’art du théâtre y entre certainement pour autre chose, mais il faut évoquer l’histoire de l’art, fortement empreinte à Nancy de l’art de Callot qui fit connaître les Arlequin, les Pantalon et les Polichinelle. Enfin, la mode et l’influence de la caricature, très populaire en Angleterre, jouent pour partie.

Grandville s’initie en recopiant les modèles de caricatures qu’il trouve dans la nouvelle presse satirique comme Le Nain jaune. Il se forge une opinion libérale, anticléricale. Dès 1820, il conçoit des créatures hybrides, mi-hommes mi-animaux, qui deviendront rapidement la marque de son talent. Au dessin, il associe volontiers les jeux de mots teintés d’ironie : Le Canard, dessin illustrant les « canards » de la clarinette ; Le quintette à vent évoquant l’expression « souffler comme un bœuf », etc. Le courant romantique commence à s'imposer en France à cette époque et ne manque pas d’influencer l'artiste. La lithographie, nouvelle technique d’impression et de représentation, connait du succès et contribuera singulièrement à la gloire de Grandville. L’appel de la capitale se fait sentir : le départ sera soutenu par le peintre miniaturiste Léon Larue (1785-1834), connu sous le nom de Mansion, qui détecte le talent de Grandville et le fait venir dans son atelier parisien.

Une vie marquée par les deuils familiaux

À l'âge de vingt et un ans, Grandville s'installe donc à Paris. Le 22 juillet 1833, il épouse sa cousine Marguerite Henriette Fischer (1810-1842) et déménage dans un nouvel appartement. Leur premier fils, Ferdinand, naît en 1834, mais ne vit que quatre ans. Cette naissance affaiblit considérablement Henriette. Un deuxième fils, Henri, vient au monde à l'automne 1838, mais meurt en 1841, étouffé en mangeant un morceau de pain, en présence de ses parents. Georges, son troisième fils, naît en juillet 1842. Lors de ses grossesses précédentes, et cette fois encore, la santé d'Henriette s'est détériorée et elle décède le même mois d'une péritonite. En octobre 1843, Grandville se remarie avec Catherine Marceline (« Céline ») Lhuillier (1819-1888). Armand, le seul enfant de ce deuxième mariage, naît en 1845. Georges, le troisième fils de son premier mariage, âgé de 4 ans et demi, meurt en janvier 1847 après une courte maladie.

Grandville ayant perdu en dix ans sa première femme et les trois enfants qu'il en a eus est physiquement et mentalement brisé. Il tombe malade à plusieurs reprises. En 1847, alors qu'il séjourne dans sa maison de villégiature de Saint-Mandé, il est atteint d'une crise de folie et est transporté dans une clinique de Vanves. Le pressentiment de sa mort ne le quitte pas, il l’annonce, en dépit de l’avis des médecins et, en effet, le 17 mars, deux mois après la mort de son fils chéri Georges, Grandville meurt. Conformément à ses vœux, il sera enterré à Saint-Mandé aux côtés de sa première épouse et de leurs trois fils.