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Cinq semaines en Ballon - Jules VERNE

Jules Verne

Cinq semaines en ballon : voyage de découverte en Afrique par trois Anglais. Suivi de Voyage au centre de la terre

Illustrations par MM. Riou et de Montaut

Paris : Bibliothèque d'éducation et de récréation J. Hetzel, [s. d.]

Impr. Gauthier-Villars

1 vol. (267-220 p.-[10] pl.) : ill. en noir et en coul., front., carte

(Voyages extraordinaires)

[Rés.700652

La France au XIXème siècle : un pays en pleine transformation

Au cours du XIXème siècle, la France connaît de nombreux bouleversements. Politiques, tout d’abord, avec une succession de régimes différents. Economiques, ensuite, avec le passage d’une société à dominante agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle et le développement des réseaux de communication. Sociaux, enfin avec une alphabétisation croissante et une vulgarisation des connaissances qui facilitent l’accès à la culture pour le plus grand nombre.

Le XIXème siècle est également le siècle au cours duquel le livre se modernise dans sa fabrication, sa conception et sa diffusion. De grandes maisons d’éditions voient le jour et mènent le jeu entre les auteurs, les fabricants et le public. La presse s’impose par sa forme et son contenu. De nouveaux genres apparaissent et suscitent de l’intérêt. 

Un auteur : Jules Verne (1828-1905)

 Jules Verne, né le 8 février 1828 à Nantes, est un écrivain français dont l'œuvre est, pour la plus grande partie, constituée de romans d'aventures évoquant les progrès scientifiques du XIXème siècle.

Jules Verne a 34 ans lorsqu’il rencontre celui sans qui il n’aurait sans doute pas eu la carrière qu’on lui connait : son éditeur Pierre-Jules Hetzel.

Il vient alors de terminer d’écrire son premier roman, Cinq Semaines en ballon : une histoire de ballon qui survole l’Afrique. Quelque chose de nouveau qui touche autant le style que la forme va alors intéresser Hetzel. Et le 23 octobre 1862, un premier contrat est signé entre les deux hommes.

Dans ce roman, Jules Verne permet aux lecteurs de découvrir les habitants de ce continent, sa flore, sa faune, la géologie à travers les péripéties haletantes de ses héros. Il s’emploie également à évoquer les techniques de l’aérostation avec une grande exactitude.

Par le biais de cette première collaboration, Hetzel vient de transformer Jules Verne – auteur jusqu’alors dédaigné par le succès- en un écrivain célèbre.         

Les romans de Jules Verne, toujours très documentés, se déroulent généralement au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. Ils prennent en compte les technologies de l'époque — Les Enfants du capitaine Grant (1868), Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1873), Michel Strogoff (1876) etc. — mais aussi d'autres non encore maîtrisées ou plus fantaisistes — De la Terre à la Lune (1865), Vingt Mille Lieues sous les mers (1870), etc.

Outre ses romans, on lui doit de nombreuses pièces de théâtre, des nouvelles, des récits autobiographiques, des poésies, des chansons et des études scientifiques, artistiques et littéraires.

1886 est une année sombre pour Jules Verne. Il est victime de la folie de son neveu qui lui tire dessus avec un revolver. Touché à la jambe, il boitera pour le reste de sa vie. Et quelques jours plus tard, son éditeur Hetzel décède à Monaco.

En 1888, Jules Verne devient conseiller municipal d'Amiens. Parallèlement à ces fonctions, il continue d'écrire. Mais sa santé se fait de plus en plus fragile. A sa blessure à la jambe qui ne le laisse jamais en paix s'ajoutent la cataracte et le diabète. Le 24 mars 1905, Jules Verne meurt.

Celui que beaucoup considèrent comme le père français de la science-fiction laisse derrière lui de très nombreuses œuvres. Ses livres ont marqué ce genre littéraire et la littérature française en général. Jules Verne vécut à l'époque de grands progrès (l'électricité, le téléphone, le télégraphe, les chemins de fer et les machines à vapeur), il est donc parfois à tort considéré comme un romancier pour enfant ou un écrivain scientifique. Mais il était plus que ça, il avait le génie de rendre vraisemblable ce qui ne l'était pas.

Verne - Hetzel : deux personnalités, un projet 

La relation entre l’auteur et l’éditeur est considérée comme un exemple unique dans l’histoire de la littérature. Unique, car ils travaillent ensemble une grande partie de leur carrière.   

Unique, car ils entretiendront des relations singulières presque familiales ou conjugales. Tous les deux sont liés par un programme idéologique de littérature didactique à vocation encyclopédique.

Ils cultivent pendant ces longues années une relation fantasmatique : Jules Verne a –t-il été inventé ou plus simplement découvert par l’éditeur ? La création vernienne a-t-elle été favorisée ou contrariée par l’autorité exercée par l’éditeur sur l’auteur ?

Jules Verne s’accommodera de cette situation. Il est conscient qu’Hetzel lui a permis d’être lui-même. De son côté, l’éditeur va offrir à Jules Verne, un projet : une collection qui prendra le nom de Voyages extraordinaires.

Une collection : les voyages extraordinaires 

Dès le premier roman, Pierre-Jules Hetzel envisage une collection, un cycle complet qui décrirait les connaissances de la terre : les connaissances géographiques, géologiques, physiques, et astronautiques amassées par la science moderne. Il s’agit de refaire sous une forme attrayante et pittoresque l’histoire de l’univers. Cette collection regroupe l’essentiel de la production romanesque de Jules Verne à savoir  62 romans et 18 nouvelles.

Au départ, cette collection prend le nom de Voyages dans les mondes connus et inconnus

Dès 1866, à l’occasion de l’édition illustrée des Voyages et découvertes du capitaine Hatteras apparaît sur le 1er plat de couverture le titre générique Les voyages extraordinaires

« Cinq semaines en ballon » :

Ce roman apparaît avec un sous-titre Voyages de découvertes en Afrique par trois anglais. Alors que le titre choisi au départ, par Jules Verne est Voyage en l’air, Hetzel trouve le titre trop « fumeux » et impropre à la diffusion en direction d’un public jeune . C’est donc l’éditeur qui choisit le titre final : Cinq semaines en ballon.

Dès son premier roman, l’auteur met au point tous les éléments de son œuvre à venir c'est-à-dire qu’il conduit une intrigue féconde en aventures et en rebondissements. Il ajoute des descriptions techniques, géographiques et historiques. Le lecteur vit en 1863 et la connaissance des sciences et des techniques l’aide à s’émerveiller et à se ravir là ou avant il n’y avait que des croyances.

L’auteur crée le « Face à face » qui donne à ses histoires une trame extraordinaire : dans ses ouvrages Jules Verne nous enseigne que le monde, en même temps que nous le regardons, nous regarde. Dans son roman Cinq semaines en ballon : les personnages regardent et découvrent  l’Afrique, et l’Afrique les regarde passer au-dessus de leur tête.

Le ballon : un moyen de transport héroïque

Avec son ouvrage Cinq semaines en ballon, Jules Verne inaugure une série de romans où l’utilisation d’une technique offre aux lecteurs l’occasion de visiter des lieux réels ou imaginaires tout en créant de nouvelles situations romanesques capables de séduire les adolescents.

Ce n’est pas un hasard si Jules Verne choisit ce moyen de locomotion pour ses héros. Il s’agit du seul moyen rapide pour franchir les montagnes, régions difficiles d’accès, et faire des grandes distances sur les continents.

Le ballon est donc un véhicule idéal pour l’aventure qui permet à l’homme de réaliser son vieux rêve : s’élever dans les airs.

Dans ce roman, le ballon devient un outil pour découvrir l’Afrique. Il est aussi un prétexte pour expliquer l’histoire des grandes explorations en Afrique et pour prendre de la hauteur. Sous sa plume, le ballon devient le véhicule emblématique de l’aventure.    

Dès le début, Jules Verne affiche clairement la ligne de conduite des Voyages extraordinaires : la vulgarisation, c'est-à-dire l’émancipation fondée sur l’apprentissage des connaissances par le développement de la lecture et de l’écriture.

La place des illustrations

Dès ses débuts, l’éditeur a compris le rôle des images capables d’exciter la curiosité et l’émerveillement du lecteur.

Il fait de l’alliance entre l’image et le texte la marque incontestable de ses éditions. Complément indispensable de l’écriture, les gravures doivent ainsi participer à la diffusion de la connaissance et être des fenêtres sur le monde. 

Les illustrateurs Edouard Riou et Henri de Montaut sont mentionnés sur la page de titre.

Edouard Riou, peintre et dessinateur, débuta au Salon de 1859 et traita de paysages de la forêt de Fontainebleau et de scènes de l'Egypte. De l'école de Doré, il illustra de nombreuses revues dont Le Tour du Monde et des ouvrages  d’auteurs tels que Victor Hugo. Plusieurs de ses toiles se trouvent au musée du Havre. Il réalisa 67 gravures pour le Cinq semaines en ballon et 56 pour Voyage au centre de la terre.

Henri de Montaut, journaliste et dessinateur, ancien professeur à l'école militaire du  Caire, membre de l'Institut égyptien, fondateur et rédacteur en  chef du Journal Illustré, collabora au Journal pour rire et à La Vie parisienne. Il fonda le journal L'Art et la Mode et publia notamment Voyage au pays enchanté : Cannes, Nice, Monaco, Menton. Il ne produisit que 5 gravures pour Cinq semaines en ballon.  

Les textes sont ponctués de gravures en noir et blanc reprenant les dessins des deux artistes et se présentant sous forme de vignettes. Elles montrent un évènement marquant en lien avec le texte et sont là pour émerveiller le lecteur et ajouter des détails à la scène.

A ces gravures, s’ajoutent des planches en couleurs réalisées en chromotypographie. Cette technique utilise le même principe que celui de la chromolithographie, mais appliqué à la gravure sur bois en relief : le graveur décompose les couleurs et exécute autant de bois que de couleurs nécessaires à la reproduction du modèle. L’impression est réalisée par des tirages superposés et successifs.

Une couverture illustrée : un cartonnage d'éditeur 

Le cartonnage est une reliure spéciale d’éditeur dont le dos et les plats sont décorés aux fers spéciaux
A partir de 1815 et jusqu’en 1914 la fabrication en séries des reliures se développe considérablement : c’est l’émergence de la reliure industrielle. A partir de 1840, les éditeurs habillent leurs ouvrages de cartonnages colorés vivement, qui comme les affiches de librairie, participent de la publicité d’un livre.  

Les reliures de la maison Hetzel sont le reflet des connaissances de l’éditeur en la matière. En effet, Pierre Jules Hetzel a été formé à l’école du cartonnage romantique chez Jean Baptiste Paulin, ce qui signifie qu’il en connaît non seulement l’art mais aussi l’industrie. 
L’éditeur est donc familier des tons, des styles, de leur évolution, des ateliers : il portera ainsi sa librairie à l’un des sommets de l’art du cartonnage.

L’exemplaire de Cinq semaines en ballon présent dans les collections de la bibliothèque municipale de Chalon présente un cartonnage « au globe doré » et à l’empiècement. 
Pour le plat supérieur, la plaque utilisée est d’un seul tenant avec plusieurs cartouches :   un cartouche avec le nom de l’auteur et un cartouche avec le titre de l’ouvrage. Ces deux cartouches sont placés dans le premier tiers de la couverture. 
Les deux autres tiers sont occupés par le décor au globe doré et le titre de la collection Voyages extraordinaires. Le lien entre les deux est une sorte d’ancre avec une corde. 
Autour du globe doré, on peut noter tout un ensemble d’objets en lien avec les voyages (instruments de navigation : astrolabe, roue de navire, appareil photo..) également des instruments de chimie (cf. la science). 
En bas, présence d’un phylactère doré comportant la mention en lettres dorées Collection Hetzel.    
Le dos du livre est à redan simple pour ce titre. La mention « collection Hetzel » est dans un cartouche rouge en lettres dorées. Sur la roue : mention du nom du relieur : M.ENGEL. REL. 
Le monogramme Hetzel est présent sur le plat inférieur. 
Les tranches de l’ouvrage, quant à elles, sont dorées.  

A la fin de sa vie Jules Verne déclare :

« A vingt ans, mon idéal était de voyager. Cet idéal, n’ayant pu le réaliser qu’incomplètement, je me suis mis à voyager en imagination ». 

 


Source des illustrations : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France