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Élémens de botanique de Joseph Pitton de Tournefort

Planche sur la lentille

La botanique au XVIIe siècle

Le XVIIe siècle est marqué par l'apparition des premiers microscopes et la mise en place d’une certaine méthodologie scientifique qui permettent à la botanique de devenir une science descriptive et biologique.

Les voyages d’exploration, les Lumières et l'expansion coloniale du XVIIIe siècle élargissent encore les horizons de la botanique. Les naturalistes rapportent de leurs expéditions des milliers de plantes inconnues en Europe. Pour assimiler tant de nouveautés, la botanique devient une science classificatrice.

C’est ainsi que les botanistes tentent de mettre en place des systèmes dit “artificiels” faciles à utiliser, ou des systèmes dits “naturels”, plus complexes mais aussi plus proches de la réalité de la nature. La botanique se veut ainsi accessible au plus grand nombre.

L’ouvrage Élémens de botanique écrit par Joseph Pitton de Tournefort, célèbre botaniste du XVIIe siècle, est une parfaite illustration de ce souhait de vulgarisation puisqu’il s’adresse aussi bien aux spécialistes qu’aux néophytes.

Pour en savoir plus

Joseph Pitton de Tournefort

Élémens de botanique, ou Méthode pour connoître les plantes

Édition augmentée de tous les supplémens donnés par Antoine de Jussieu

Enrichie d'une concordance avec les classes, les ordres du système sexuel de Linné et les familles naturelles créées par Laurent-Antoine de Jussieu, mise à la portée de tous... par N. Jolyclerc,...

Lyon : P. Bernuset, 1797

6 vol. : in-8

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Page de titre

Un ouvrage, plusieurs éditions

Élémens de botanique ou méthode pour connoître les plantes a été édité à plusieurs reprises. Une première fois en français en 1694, puis une seconde fois en 1797, dans une édition supervisée par le botaniste Nicolas Jolyclerc.

De la 1ère édition naît une traduction latine Institutiones Rei Herbariae, en 1700, qui permet d’ailleurs à Tournefort d’être reconnu dans toute l’Europe. Après sa mort, une seconde édition latine augmentée paraît, dirigée par le botaniste Bernard de Jussieu. Chacune de ces parutions donne à l’ouvrage initial une nouvelle dimension, soit parce qu’il est rédigé en latin, soit parce qu’il est enrichi de nouveaux éléments, comme des illustrations supplémentaires ou bien des ajouts résultant d’avancées scientifiques.

L’ouvrage que possède la bibliothèque municipale de Chalon-sur-Saône est un exemplaire de la seconde édition en français de 1797. Acquis auprès d’un libraire de livres anciens en 2019, il fait partie des achats rétrospectifs réalisés chaque année pour les collections patrimoniales afin de les compléter et de les enrichir, tout en répondant aux axes fixés dans le cadre de la politique d’acquisition patrimoniale. Dans cette dernière édition, Élémens de botanique se compose de 6 tomes alors que la première n’en comprenait que 3. Comme à l’origine, Nicolas de Jolyclerc a choisi de séparer les volumes de textes, des volumes de planches. Le texte permet de mettre en avant le classement, établi par Tournefort lui-même, et qui a fait sa renommée un siècle plus tôt. Jolyclerc a ajouté à ce dernier des éléments nouveaux provenant de scientifiques. Un enrichissement qui ne dénature en rien les propos de Tournefort car comme lui, Jolyclerc souhaite que cet ouvrage s’adresse au plus grand nombre.

Quant aux deux autres volumes, ils regroupent 489 planches hors-texte gravées sur cuivre d’après les dessins de Claude Aubriet.

 

Intérêt de l’ouvrage d’un point de vue scientifique

Planche sur le cacaoL’ouvrage de Tournefort est novateur car il expose un nouveau système : un système dit “artificiel” fondé sur l’examen de la corolle et de la nature du fruit. Il distingue les herbes (à fleurs et à pétales, sans pétale, sans fleur) des arbres et arbustes. Et c’est ainsi que le botaniste obtient 22 classes, auxquelles il ajoute celle des “anomales” pour le reste des fleurs.

L’unité de base de son système est le genre : Tournefort en détermine environ 700 dits “naturels” et cela même s’il n’utilise qu’une petite quantité de caractères floraux pour les définir.

Les avantages de ce système sont tellement évidents que Planche sur le cotonles noms génériques proposés par Tournefort sont largement adoptés. Ainsi, il résout les confusions auxquelles devaient faire face les botanistes à chaque fois qu’ils souhaitaient nommer une plante sans système universel de nomenclature pour les guider. Cette classification proposée par Tournefort est à l’origine de la nomenclature binominale reprise par Carl von Linné quelques décennies plus tard.

 

 

Une place de choix laissée aux illustrations

Le second aspect novateur de cet ouvrage réside dans la qualité des illustrations qui sont proposées. Le système présenté par Tournefort est l’un des tout premiers systèmes de classification végétale à avoir été illustré de gravures tirées de dessins aussi précis, exécutés d’après nature. Exactitude louée par Carl von Linné lui-même des années plus tard.

Membre à part entière de l’Académie royale des sciences depuis novembre 1691, Tournefort reçut l’autorisation du Roi pour accompagner son texte d’images. Grâce à l’obtention de ce privilège royal, toutes les dépenses engendrées par la réalisation de ces gravures sont prises en charge par le Roi. Un siècle plus tard, Nicolas Jolyclerc a conservé le projet initial : volumes de textes d’un côté et volumes de planches de l’autre, mais avec des ajouts et enrichissements des deux côtés.

 

Planches de fleursDes dessins aux gravures : mise en scène des plantes

Dans cette édition de 1797, les tomes 5 et 6 rassemblent 489 planches gravées sur cuivre d’après les dessins de Claude Aubriet, (1665-1742). Celui-ci, peintre miniaturiste et dessinateur d’histoire naturelle, est renommé dans le milieu scientifique au XVIIIe siècle.

Il a conçu chaque planche comme une planche d’étude morphologique de la plante qu’il réalise sur papier filigrané. Chaque détail des fruits et des appareils floraux prend vie grâce à la pierre noire, au lavis gris, à l’encre noire et à la sanguine, des techniques parfaitement maîtrisées par l’artiste. Ensuite, chaque planche est reproduite via la technique de la gravure sur cuivre.

Ces planches ont été tirées sur les cuivres originaux de l’édition latine de 1700 (Institutiones Rei Herbariae, traduction latine de Élémens de botanique). Elles ne comportent aucune signature. Un seul graveur a pu être identifié et pourrait être l’auteur de ces planches : Cornelis Vermeulen (1644-1708), qui a également gravé le frontispice de l’édition originale de 1694.

D’une façon générale, ces planches rapportent dans des espaces séparés, les différentes étapes de mutation d’une plante. La présentation conserve un aspect narratif, les étapes se succèdent de façon linéaire : graine, bourgeon, floraison / maturité, composantes marquées de lettres. La présentation n’est par ailleurs pas sans rappeler les futures mises en page de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

 

Conclusion

Grâce à cet ouvrage fondamental, Tournefort occupe une position dominante dans le domaine scientifique jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.