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Les boiseries de la salle d'étude

Disposition

 

La salle d’étude de la Bibliothèque se trouve au premier étage de l’aile de bâtiment construite au XIXe siècle, dans l’ancien couvent des Carmes, pour les tribunaux qui l’occupèrent de 1822 jusqu’à l’ouverture en 1842, d’un nouveau palais de justice.

En effet, la Ville, devenue propriétaire de l’ancien couvent des Carmes suite à un échange avec le département en 1837, décide alors d’y installer, l’Hôtel de ville et la Bibliothèque. Celle-ci, à laquelle sont attribuées deux salles, une salle dite “salle de lecture” qui correspond aujourd’hui à l’accueil, et une grande salle, la salle d’étude actuelle, est inaugurée en 1845.

 

Installation et réemploi

Les boiseries que l’on peut admirer dans la salle d’étude y ont été placées au cours de cette installation. À l’origine, le mobilier avait été réalisé pour décorer la bibliothèque de l’abbaye Notre-Dame de La Ferté-sur-Grosne, première fille de Cîteaux, et pour répondre à la commande de son abbé Claude Petit (abbé de 1677 à 1710). Celui-ci avait opéré une œuvre de reconstruction de l’abbaye et fut l’acquéreur en 1695 de la bibliothèque de plus de 6 000 volumes, de Jean-Baptiste Fleutelot, conseiller au parlement de Dijon. Dans l’abbaye, une place d’honneur fut donnée pour une nouvelle salle de bibliothèque, mesurant environ 31 mètres de long sur 7 mètres de large. A la Révolution française, les meubles furent confisqués et emportés à Chalon-sur-Saône, chef-lieu de district chargé de constituer un dépôt littéraire à partir des confiscations révolutionnaires.

Après avoir été entreposées, pendant une courte période, dans le couvent des Carmes de Chalon, les boiseries rejoignent l’ancien collège de garçons (actuel lycée Emiland Gauthey) choisi pour contenir le dépôt littéraire (qui avait été transféré depuis la maison du district,  voisine du collège), puis la première bibliothèque de Chalon (1824). Les boiseries sont alors remontées et installées dans une grande salle du collège afin de contenir les livres issus des confiscations.

Lorsque la Bibliothèque déménage entre 1843 et 1845, du collège jusqu’à l’ancien couvent des Carmes devenu hôtel de ville, les boiseries font à nouveau, mais en sens inverse, le voyage qu’elles avaient fait à la fin du siècle précédent. Elles tapissent alors, en partie basse, trois murs de la salle d’étude (côté porte d’entrée, côté rue de Lyon et côté des globes) et sont complétées en partie haute par une galerie pourvue de boiseries du XIXe siècle ainsi que par un escalier en colimaçon.

Côté fenêtres de la salle d’étude, les boiseries de la partie basse, comme celles de la galerie, ne proviennent pas de l’ancienne bibliothèque de l’abbaye de La Ferté mais ont été réalisées en 1870, pour répondre à l’accroissement des collections du XIXe siècle, en s’inspirant du décor de la bibliothèque de La Ferté.

En 1897, la galerie côté fenêtres est reliée à celle qui longeait déjà les trois autres côtés de la salle. Un second escalier (aujourd’hui disparu), est installé, à l’identique, face à celui qui existe encore aujourd’hui.

Au cours de l’installation des boiseries de La Ferté dans la salle d’étude, et sans doute au cours de la précédente installation dans l’ancien collège, les bandeaux ont été recoupés afin de s’adapter à leur nouvel emplacement. C’est pourquoi ils ont été mutilés. Certains éléments composant le décor ont pu également être déplacés dans les panneaux, voire enlevés d’un panneau pour être replacés sur un autre.

Presque tous les éléments de décor visibles sur les pilastres et les modillons, ou sur les bandeaux, sont uniques.

On compte dans la salle vingt-huit bandeaux (ou cartouches) provenant de l’abbaye de La Ferté. Dix-huit sont ornés de motifs purement décoratifs (fleurs et feuillages) et dix d’entre eux portent des sculptures représentant les thèmes des ouvrages rangés autrefois dans les meubles correspondants.

Des cartouches « hiéroglyphiques »

Un manuscrit du XVIIIème siècle, faisant partie des collections de la Bibliothèque du Grolier Club à New-York (Dispositio hierogliphica biblioth[e]cae archi-coenobii. B.M. de Firmitate ad Graonam. *07.2 F 411 1729), nous renseigne sur l’apparence des boiseries à leur origine, et sur celle des cartouches thématiques conçus pour contenir les titres issus de l’organisation des collections mise en place par le prieur et bibliothécaire de La Ferté, Lazare Languet, ainsi que sur la signification des décors appelés « hiéroglyphes », ornant ces cartouches.

Le manuscrit peut être daté de la période 1729-1736 (Lazare Languet est alors identifié comme étant abbé de Morimont). Il contient, après un long avertissement, un Memoire par lequel on rend raison tant de l’ordre qu’on a donné à la Bibliothèque de l’abbaye de La Ferté que des hiérogliphes [sic] qu’on a mis a coté de chaque titre. Il fait ainsi référence au travail de Lazare Languet, licencié en théologie de la Faculté de Paris, et qui est à l’origine de la répartition intellectuelle des ouvrages et de la disposition des boiseries commandées par l’abbé Claude Petit, pour la nouvelle salle de bibliothèque de l’abbaye, après l’achat de la bibliothèque Fleutelot en 1695. La réalisation de ces boiseries, des ornements et du rangement de cette salle s’est déroulée entre 1705 et 1708.

Dans le manuscrit on peut notamment retrouver, dans l’ordre de leur disposition à la bibliothèque de La Ferté, les vingt cartouches portant chacun en son centre un titre, et ornés de « hiéroglyphes », dessinés et commentés : Biblia sacra (Textes sacrés), Glossae (Commentaires), Interpretes (Interprètes), Sancti Patres (Saints Pères), Heterodoxi (Hétérodoxes), Théologi (Théologiens), Jus canonicum (Droit canon), Jus civile (Droit civil), Chronologi (Chronologistes), Historia ecclesiastica (Histoire ecclésiastique), Imperiorum historiae (Histoires des empires), Regnorum historiae (Histoires des royaumes), Iconologi (Iconographie), Cosmographj (Cosmographes), Philosophj (Philosophes), Phisiologi (Physique et histoire naturelle), Medici (Médecins), Grammatici (Grammairiens), Philologi (Philologues), Poëtae (Poètes).

 

Description et décryptage des cartouches « hiéroglyphiques »

De ces vingt cartouches « hiéroglyphiques », il n’en subsiste plus que neuf dans la salle d’étude (dont un en deux bandeaux) et, comme ils ont été recoupés, notamment dans leur partie supérieure, ils ne contiennent plus leur titre. Leur disposition actuelle dans la salle d’étude, effectuée lors de l’installation de 1843, ne respecte plus l’ordre d’origine.

Il s’agit, dans l’ordre de la disposition d’origine, des cartouches suivants :

Jus civile (Droit civil), Chronologi (Chronologistes), Historia ecclesiastica (Histoire de l’Eglise), Imperiorum historiae (Histoires des empires), Regnorum historiae (Histoires des royaumes), Iconologi (Iconographie), Cosmographj (Cosmographes), Philosophj (Philosophes), Grammatici (Grammairiens)

Droit civil

Localisation : meuble 20

Description : 

- à gauche : une balance

- au centre : un aigle

- à droite : un bâton de justice, des parchemins

L’aigle, enlevé du bandeau Histoire des empires (meuble 13), a été ajouté sur celui-ci. 

Manuscrit :

Les docteurs in utroque jure auroient lieu de se plaindre s’ils ne trouvoient que la moitié de leur science. C’est pourquoy on a mis icy le droit civile dont la balance, les paperasses de procès et la main de justice sont des signes inconnus à personne. 

Chronologistes

Localisation : meuble 3 

Description 

- à gauche : une horloge

- au centre : un motif végétal (le même que celui du meuble 7, philosophes)

- à droite : un chapiteau, des pierres renversées

Manuscrit :

Après les loix divines ecclésiastiques et humaines, sont rangées toutes les histoires. Les chronologistes sont les premiers comme remontant le plus haut. Le cadran, la faux et un groupe de colonnes ou batimens renversés dont on a accompagné l’inscription s’expliquent suffisamment. Tempus edax rerum (le temps dévore tout).

Histoire ecclésiastique

 

Localisation : meuble 23 

Description : 

- à gauche : une roue, un instrument muni de dents et une sorte de gourdin clouté

- au centre : un buste de Mercure ailé

- à droite : un treuil, du feu, un crochet

À l’origine, le cartouche comportait une croix, dans la partie supérieure coupée. Quant au Mercure ailé, il figurait sur un autre cartouche aujourd’hui disparu (Philologie).

Manuscrit :

L’on a figuré l’histoire ecclésiastique par un de ces principaux objets qui sont les trophées des martyrs. La couronne qui environne l’inscription peut être remarquée puisque c’est la même que par les ordres du grand Constantin on donnoit aux Victorieux, le pieux empereur ayant changé l’ancienne qui etoit toute payenne en celle ci ou est le monogramme de Jésus-Christ. Nous la melons icy aux trophées des martyrs comme étant les véritables vainqueurs du monde.

Histoire des empires

Localisation : meuble 13 

Description :

 - à gauche : faisceau de licteur. L’aigle qui figurait à gauche dans la partie supérieure du cartouche, a été enlevé et placé sur le bandeau Droit civil, meuble 20.

- à droite : bélier (engin de siège)

Manuscrit :

L’histoire profane peut être partagée en deux partyes qui peuvent se reduire aisement sous deux titres La première partye renferme, après les Empires, les Medes, et les Perses, l’histoire grecque et romaine. A cette dernière l’on a ajouté l’histoire d’Ithalie et d’Allemagne comme faisant partye ou [sic] la suite de l’Empire Romain. Cette première partye a pour titre Imperiorium historiae qui est accompagné de coté et d’autre des trophées composés d’armes antiques et des aigles romaines [sic].

Histoire des royaumes

Localisation : meubles 2 et 1 

Meuble 2 :

Il s’agit de la première partie d’un cartouche en deux bandeaux.

Description :

 - à gauche : un drapeau fleurdelysé, des boulets de canon, une pelle pour charger un canon

- à droite : un tambour et un morceau d’étendard

 

Meuble 1 :

Il s’agit de la seconde partie du cartouche.

Description :

- à gauche : un morceau d’étendard qui est la suite du motif du bandeau du meuble1

- à droite : un canon, une lame d’épée, des fusils

Manuscrit :

La seconde partye est composée de l’Histoire de France, d’Espagne, d’Angleterre &a et a pour titre Regnorum Historiae accompagné de trophées d’armes modernes et melé de fleurs de Lis parce que le Royaume de france est à l’egard des autres royaumes ce que l’empire Romain est à l’égard des autres Empires. Les Républiques et principautés sont jointes aux Monarchies avec lesquelles elles ont plus d’affinités.

Iconographie

Localisation : meuble 24 

Description :

- à gauche : les pieds d’un chevalet, une palette de peinture, un pinceau, une brosse

- au centre : une tête

- à droite : les pointes d’un compas, des ciseaux, un té, un maillet

À l’origine, la tête n’était pas au centre mais sur le côté droit, au-dessus.

Manuscrit :

 

Après les histoires ecrittes on peut s’arreter aux gravées contenus sous ce titre Iconologi. On y trouve toutes les estampes, les medailles, les livres qui les expliquent aussi bien que leur inscription, les portraits des hommes illustres soit que l’abregé de leur vie soit jointe soit qu’il ni soit pas joint, les genealogies, les livres d’architecture. C’est pourquoy le titre est accompagné de trophées de peintures et de sculptures.

Cosmographes

Localisation : au-dessus de la porte d’entrée de la salle d’étude 

Description :

 - à gauche : un globe

- au centre : un motif végétal

- à droite : une sphère armillaire

Manuscrit :

Pour bien posséder l’Histoire, la géographie est necessaire Comme elle fait partye de la cosmographie on a réduit sous le titre de Cosmographi, les geographes, les voyageurs, les astronomes et tous autres livres qui y ont quelque raport tels que sont ceux d’arithmetique. Son titre est accompagné d’un globe et d’une sphere.

Philosophes

Localisation : meuble 7 

Description :

 - à gauche : cercles liés à l’osier, des plis de tissu (représentation de Diogène dans son tonneau mais, tellement coupée que le personnage a disparu).

- au centre : un motif végétal (le même que celui du bandeau du meuble 3 (Chronologistes)

- à droite : un vase d’où sortent des pièces de monnaies, au-dessus, des couronnes.

Manuscrit :

La description du Monde nous conduit insensiblement a la philosophie pour en découvrir les causes. Nous avons décoré son titre d’un Dyogène dans son tonneau et de plusieurs couronnes, vases et trésors renversés pour dénoter que l’étude de la vraye philosophie doit inspirer à un philosophe le mepris du monde et l’elever au Créateur par la connoissance quelle lui donne du neant et de la fragilité des choses crées, et qu’il doit posséder son ame dans la paix et la tranquilité en quelqu’ etat qu’il se trouve, soit de prospérité, soit d’adversité a l’exemple de ce philosophe cinique qui dans la pauvreté étoit aussi content qu’Aristipus qui vivoit dans l’abondance et le tumulte de la Cour.

Grammairiens

Localisation : meuble 21

Description :

- à gauche : la partie inférieure d’un rouleau

- au centre : un motif végétal. On distingue également la trace du cercle dans lequel se trouvait, à l’origine, le titre du cartouche

- à droite : la partie inférieure d’un livre 

Manuscrit

Tous ce que nous avons marques jusqu’ icy contient les lettres que quelques auteurs appellent severes. Passons aux lettres humaines qu’on nomme encore belles lettres. La première science de ce genre est la Grammaire et quoy qu’en tout remplie de quelques epines, nous la figurons par les instrumens dont les premiers hommes se sont servis pour ecrire, tels que les représente Kircher dans son Oedipus aegiptiacus au 2e tome qui sont des feuilles de palmier, des roulleaux d’écorce d’arbre, des tablettes de bois fort minces et cirées qu’on attachoit ensemble, avec un fil, en forme de Livre, et des lames de plomb.